Page:Leo - L Ideal au village.pdf/37

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« Bah ! un bon gigot à l’ail n’y gâtera rien. Seulement activez-nous un peu ça, mesdames. Quand on vient de Paris… »

C’était dans le salon que s’échangeaient ces dernières paroles, un salon un peu sombre, à une seule fenêtre, drapée d’un rideau rouge et d’un rideau blanc. L’ameublement se composait d’un canapé carré, d’un vieux style, et de fauteuils semblables. Sur la cheminée, une pendule dorée, surmontée d’un troubadour avec sa guitare, et deux bouquets de fleurs artificielles sous des globes.

De chaque côté de la cheminée se trouvait une table de jeu, et les murs étaient ornés de tableaux à cadres dorés représentant M. Darbault en habit noir et en cravate blanche, Mme Darbault en toilette de bal, Esther allant trouver Assuérus, et le supplice d’Aman. Tout cela était d’une propreté immobile et scrupuleuse ; pas un pli, pas une ligne qui dépassât l’autre ; rien de travers, ni même qui pût être dérangé, sauf des écrans posés en regard l’un de l’autre, avec tant de précision, qu’on sentait bien que c’eût été manquer à des lois sacrées que de les incliner à droite ou à gauche.

Mme Darbault et sa fille aînée s’étaient portées au secours de la cuisinière ; Agathe, assise en face de Cécile, s’apprêta, d’un air composé, à soutenir la conversation et débuta par cette phrase :

« Vous devez, ma cousine, trouver notre pays bien laid ?

— Pas du tout ; je le trouve ravissant au contraire. Mais seriez-vous assez bonne pour montrer ma chambre en attendant le dîner ?