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Page:Leo - L Institutrice.djvu/113

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La pauvre petite, en effet, abandonnée à toutes les incuries de l’éducation villageoise, qui reste aussi étrangère à l’hygiène qu’à la propreté, tyrannisée par son frère, brutalisée par sa mère, froissée en tous sens et harcelée de piqûres, était devenue irritable, nerveuse, fantasque ; ses instincts seuls s’étaient développés, et dans le sens fâcheux, de l’extérieur à l’intérieur, de ses cheveux mal peignés, et peuplés, hélas ! (comme d’ailleurs ceux de tout enfant de la campagne) aux spontanéités sauvages de son naturel aigri, c’était tout un monde à nettoyer, à refaire, et Sidonie entreprenait cette énorme tâche, sans guide, sans réflexions préalables, sans données précises, sans philosophie, comme sans notions psychologiques et physiologiques ; mais heureusement le cœur ému et après dix ans de souffrances, qui avaient affiné ses sens et développé ses intuitions.

Elle aima, ce fut tout. L’amour, qui nous transporte en un autre et nous le donne pour objet, exclut cette âpre personnalité qui fait le fond des systèmes inflexibles. L’amour est une foi ; mais une vraie foi, une bonne foi ; c’est pourquoi il contient le doute, et il donne, en face des grandes choses, ce tremblement de cœur, cette ardente recherche du vrai, qui y conduit. Quand Sidonie ne sut pas, elle attendit. Quelquefois, elle restait de longs moments, attachant des yeux rêveurs sur l’enfant qui jouait à ses côtés, observant cette nature sensitive et passionnée, s’en imprégnant, et cherchant dans cette nature même les indications nécessaires à l’heureuse direction de ses forces et de ses penchants. Sidonie en était ainsi