Page:Leo - L Institutrice.djvu/123

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tre, au printemps, dans les haies ou dans les bois. De toutes parts, on disait à Mme Moreau :

— Votre petite est superbe. Il faut que Mlle Jacquillat en prenne grand soin. Ma foi, elle sera aussi bien que son frère, si ce n’est mieux.

Mme Moreau était-elle flattée de cela ? Ne l’était elle pas ? On n’eût su le dire. Toujours est-il qu’elle commença de faire plus d’attention à sa fille, qu’elle fut mortifiée de voir ses caresses repoussées par elle, et dit avec humeur que c’était une drôle d’éducation qui ne lui apprenait pas à aimer sa mère.

Pauvre Sidonie ! Ce reproche lui causa un saisissement… Elle passa bien huit jours à se demander comment l’on pouvait apprendre à un enfant à aimer sa mère, et ne trouva pas. C’était évidemment l’affaire de Mme Moreau, et celle-ci ne l’avait pas faite.

Une fois en train d’examiner, Mme Moreau découvrit avec horreur que depuis près de deux ans que sa fille était en pension, elle ne savait pas encore lire.

Ernest, auquel Sidonie s’efforçait de faire comprendre ses idées à l’égard de Rachel, et qui se contentait de voir sa fille heureuse et bien portante, représenta à sa femme que les écoliers de la campagne mettaient généralement trois années pour acquérir des notions passables de lecture, et que Rachel avait encore du temps pour cela.

— Mais elle n’a pas commencé ! répliquait Mme Moreau courroucée. Si c’est ainsi que Mlle Jacquillat gagne l’argent que nous lui donnons…

L’institutrice avertie se hâta de mettre un abécédaire entre les mains de Rachel.