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Page:Leo - L Institutrice.djvu/129

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coup d’œil jaloux, on voyait se peindre sur la figure de l’institutrice une hésitation pleine d’anxiété.

Elle aussi voulait bien que Rachel sortît. Déjà, depuis longtemps elle sentait sur sa poitrine l’oppression dont souffrait l’enfant ; mais elle sentait aussi le danger du mécontentement maternel et savait bien que cette sortie serait commentée, car au village il n’est point de faits indifférents ni trop puérils. Mais où trouver la force d’imposer à sa Rachel une souffrance ? Pourtant Sidonie se croyait au moins obligée de protester, d’une intonation toute chargée de maternité.

— Rachel ! disait-elle.

L’enfant la regardait avec le sourire doux et confiant d’un être aimé, sûr de son empire.

— M’amie, puisque j’ai fait ma page.

— Et la leçon de géographie ?

— Oh ! je reviendrai.

Mais le plus souvent elle s’oubliait, soit dans le jardin, en grimpant aux arbres ou soignant ses fleurs, soit au coin du feu, l’hiver, en lisant quelque histoire, ou dessinant le chat, ou cabriolant avec lui. Maintenant, elle aimait la lecture avec passion, et si elle eût eu des livres, simples, vivants, instructifs, elle eût, non-seulement sans fatigue, mais avec bonheur, appris bien des choses. Malheureusement, tous les livres des écoles primaires sont pétris, dans les officines cléricales, de mensonges historiques, de croyances moyen âge, de préceptes immoraux mêlés à des préjugés mondains, le tout enchâssé dans un style onctueux, plat, filamenteux, qui intercepte l’air et la pensée. La petite démêlait là-de-