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Page:Leo - L Institutrice.djvu/131

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usé, eut une proie facile. Dès le début, effrayée du caractère que prit la maladie, Sidonie fit tout pour sauver sa mère. Ce tout, hélas ! pour elle, se réduisait à bien peu. Pendant quinze jours, ou plutôt quinze nuits (car sa tâche la réclamait la plus grande partie du jour), de ses élans d’imagination à la recherche du remède qui pouvait sauver sa mère, de ce désir invincible, ardent et sacré, sans cesse elle fut ramenée à l’horrible impuissance de sa misère. Pour infuser dans ce sang épuisé des principes de vie, pour rendre un peu d’élasticité à cet estomac devenu inerte, à force de souffrir, ce qu’il eût fallu désormais, c’étaient les sucs vitaux arrachés à la nature par la science et recueillis dans ces flacons précieux qu’on échange contre de l’or ; il eut fallu ces aises, ces douceurs, dont la vieillesse encore plus que l’enfance a besoin d’être entourée. Que pouvait-elle donner à sa mère de tout cela, cette pauvre fille, dont le long travail n’aboutissait qu’à gagner pain et abri, et pour qui les drogues banales et les fades tisanes prises chez le pharmacien de la ville voisine constituaient déjà une dette formidable. Mais, depuis quatorze ans, la mort de sa mère était commencée ; elle s’achevait, voilà tout, et il lui fallait voir cette œuvre s’accomplir sans qu’elle pût y mettre obstacle. Au chevet de ce lit parfois, elle se sentait presque mourir elle-même ; car sa mère était une part de sa vie, le chaînon qui la reliait au reste de l’humanité, sa compagne assidue depuis trente-quatre ans, d’abord nourrice et providence, et maintenant un peu son enfant. Hélas ! elle n’avait pu, elle autrefois si tendrement soignée par cette pauvre mère, l’empêcher