Aller au contenu

Page:Leo - L Institutrice.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Feuilleton de la République française
du 20 janvier 1872

(22)

LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]


Mais il n’y avait personne au banc de Mme Moreau, et ce fut seulement à la sortie de l’église, dans la rue, qu’Ernest aborda l’institutrice. Il paraissait embarrassé ; était-ce à cause des compliments de condoléance qu’il avait à faire, étant un peu gauche à ces choses-là ? Cependant il trouva des paroles chaudes et sincères, qui attendrirent Sidonie. Il ne parlait pas de Rachel, et ce fut l’institutrice qui dut s’informer pourquoi il ne l’avait pas ramenée. Ici, l’embarras d’Ernest revint. Il balbutia que sa femme désirait la garder encore un peu. Ils causèrent ensemble de la chère enfant. Le père aussi l’admirait, et l’aimait certainement ; toutefois une parole lui échappa qui étonna douloureusement Sidonie.

— Elle est si volontaire ! dit-il.

Sidonie se récria.

— Mais non, pas du tout ; nous nous entendons si bien, toutes les deux ! C’est qu’on ne sait pas la prendre.

— Ah dame ! Nous ne faisons pas comme vous toutes ses volontés. Il faut savoir se contrarier dans la vie.

Après cette conversation, un poids nouveau pesa sur le cœur de Sidonie, elle rentra bien triste ; le lourd couvercle de la

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.