Page:Leo - L Institutrice.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un tel changement de position leur était si pénible qu’il fallait en ces premiers moments être seules. Quand on a le cœur gros, ou n’est point capable de soutenir une conversation… Cependant Mme Jacquillat n’en fut pas moins communicative, car elle raconta toute son histoire :

« Monsieur Jacquillat était professeur au collège de Versailles, un professeur distingué. Mais avec trois mille francs d’appointements, il est difficile d’élever une famille. Madame Jacquillat, qui, de son côté, était d’une famille excellente et même riche autrefois, avait bien eu une dot ; mais qu’était-elle devenue ? On n’en savait rien. Le fait est qu’à la mort de M. Jacquillat cette dot ne s’était pas retrouvés. Les hommes passent pour devoir être seuls administrateurs, mais la plupart n’y entendent rien. M. Jacquillat était pourtant le meilleur des maris et le plus rangé ; mais l’éducation de son fils, qui était allé finir ses études à Paris, et avais passé trois ans à l’École normale, avait tant coûté ! Enfin, il ne leur était resté que leur mobilier, quelques créances, et la pension de Mme Jacquillat, comme veuve de professeur. Ce n’était pas assez pour vivre, Sidonie avait été courageuse ; elle avait voulu gagner leur pain — du pain seulement, en effet : 400 fr. L’État rétribue bien mal le savoir. Quel logement ! Quand on avait à Versailles une petite maison si jolie, si commode !… Et tout faire soi-même, quand on avait l’habitude de commander ! Ah ! la vie est bien amère, et si l’on ne songeait qu’apparemment c’est la volonté de Dieu…

Cette confidence eut pour effet de procurer à Mme Jacquillat, de la part de