Page:Leo - L Institutrice.djvu/210

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comme institutrice libre, de soutenir la lutte à tout prix. Elle ne manquait pas d’amis ; on lui était sympathique ; mais, chez les êtres peu intelligents, c’est-à-dire hésitants et faibles, la sympathie, l’amitié même souvent, est sujette à tant de retours ! Et quelle lutte ! contre le clergé et l’Université tout ensemble, — en y ajoutant la sottise publique, toujours peureuse en face de toute innovation. Non. Avec la méthode et l’esprit ancien, ce parti eût été déjà bien précaire, bien dangereux. Avec une méthode nouvelle à inaugurer, liant son sort à celui de l’esprit nouveau, ce Satan chargé de tant de foudres et de calomnies, elle était perdue d’avance. Ne voyant aucune résistance possible, elle s’abandonna à sa destinée.

Afin de pouvoir payer son déménagement, et le rendre moins coûteux, Sidonie dut vendre le mobilier de salon, auquel tenait tant sa pauvre mère, et qui, pour Sidonie, était le souvenir de la chère famille, de l’enfance heureuse. Tout cela fut étalé en vente publique, froidement et curieusement examiné, évalué, raillé, finalement acheté à prix dérisoire par les ennemis eux-mêmes de l’institutrice. Les fauteuils en tapisserie, brodés par sa mère, devinrent la propriété du curé, et la dévote qui regrettait les bûchers, eut l’ameublement de velours et les flambeaux.

Avant son départ, Sidonie eut la visite d’Ernest et de sa fille. Il était bon, mais calme, et l’enfant distraite. Pour elle, son cœur se brisait. Oh ! pourquoi la mort ne vient-elle pas quand les vrais liens de la vie se rompent ?

(À suivre)

ANDRÉ LÉO