Page:Leo - L Institutrice.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Dame ! vous savez, il n’est pas fils de prince ; il n’a pas appris la littérature en naissant.

— Je croyais qu’il avait été au collège.

— Oui, mais seulement jusqu’en quatrième. Ses parents, dont il est le fils unique, le destinent à vendre des bœufs comme son papa. Je ne crois pas que les brillantes dispositions du jeune Ernest lui aient fait regretter la science. Il se résigne très-doucement à être l’héritier de son père, le Benjamin de sa mère, l’envie et le modèle de tous les gars du village et la coqueluche de toutes les filles, qui lui font les plus doux yeux, parce qu’il est tout à la fois riche et beau garçon. Car il est beau garçon, vous ne pouvez pas le nier, belle dédaigneuse ?

— Je ne le nie point.

— Vous vous êtes étonnée peut-être de le voir invité chez nous. C’est le fils du maire, et puis il porte un habit… le dimanche. Tout le monde le reçoit ici, les Urchin, le curé… Que voulez-vous, il n’y a personne dans ce désert. Ah ! ma chère, pensez donc… il y a trois ans que je suis ici, et j’avais à peine commencé à voir le monde quand mon père a eu sa retraite. Il aurait bien dû être plus jeune, mon père, ou bien colonel. On s’ennuie à périr, ici, jusqu’à descendre à s’occuper des mérites d’un Ernest Moreau. Après tout, il est bien plus gentil que M. Urchin, avouez-le.

— Je l’avoue sans hésiter. Ils ne paraissent pas très aimables, les Urchin.

— La vieille est une harpie. On ne peut