Aller au contenu

Page:Leo - L Institutrice.djvu/3

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le charretier se tourna vers elle, et, la regardant de ses petits yeux verts et pétillants :

— Eh ! eh ! répliqua-t-il d’une voix lente, goguenarde en dessous, le voir n’est pas ben malaisé ; il est assez gros pour ça, un homme ben vivant !

Elle reprit, impatientée par la lourdeur d’esprit de ce paysan :

— Est-ce un vrai Monsieur ? A-t-il été au collége ? Sa femme porte-t-elle chapeau ?

— Non point. Ell’porte la coiffe. Mais ça ne l’empêche pas d’être joliment plus huppée que d’autres, allez ! Son père, le marchand de chevaux, lui en a laissé du bien ! Et le fils a été au collége, si le père n’y a pas été. Pour un vrai monsieur, se peut ben que je m’y connaisse pas ; mais cent mille francs de terres au soleil, c’est du vrai… au moins, à ce qui me semble.

— Oh ! sans doute ! répondit la voyageuse en soupirant. Dans ces petits endroits la fortune est tout.

— Oh ! c’est comme ça partout, allez ! répliqua le Picard de son air tranquille et narquois.

— Maman ! murmura la jeune fille, en poussant le coude de sa compagne. Et montrant le conducteur, ses yeux et son geste recommandèrent la prudence.

— Laisse-moi donc, dit la mère, je sais bien…

Elle s’arrêta cependant et ajouta moins haut avec un profond soupir :

— Je suis persuadée que nous n’allons trouver aucune société dans ce petit trou.

Du point de la route où ils se trouvaient alors, le petit trou cependant se déroulait