Page:Leo - L Institutrice.djvu/34

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aux lèvres, jouant au billard, ou buvant avec des amis, ou bien au bal, élégamment mis, et courtisant de belles jeunes filles ; alors le cœur lui battait très fort ; elle devenait tremblante d’émotions confuses, et se sentait inondée d’amertume.

Pourquoi ? Elle ne voulait pas se le demander. Elle ne voulait pas le savoir : elle en rougissait. Mais le moindre mot lui donnait envie de pleurer ; le soir, se sentant vaincue, elle s’enfuit dans sa chambre et fondit en larmes. Elle se sentait enfermée dans cette école comme dans un tombeau.

Elle avait d’ailleurs les nerfs ébranlés par les angoisses précédentes. Depuis trois jours, elles ne vivaient que de pain, et Sidonie voyait avec douleur s’altérer la santé de sa mère, parvenue à l’âge où un tel changement de régime est funeste.

Cependant, elle avait 20 ans. Au printemps les orages passent vite, et le soleil recommence à briller au milieu des nuages même. Le travail aussi, même le plus ingrat, s’il ne console, au moins suspend la douleur. Les journées de la jeune institutrice étaient bien remplies. À peine avait-elle pu faire sa chambre, tresser ses cheveux, s’habiller et tremper dans du lait un morceau de pain, que les enfants déjà entraient dans la classe ; il était huit heures. À midi, on avait récréation jusqu’à une heure, pour le repas ; puis trois heures de classe, de nouveau. À quatre heures, en hiver, déjà le jour tombe. Sidonie aidait alors sa mère à préparer le dîner, ou bien, comme ce dîner n’avait rien qui pût occuper deux personnes, parfois elle sortait un peu prendre l’air, faire une commission, ou entrait