Page:Leo - L Institutrice.djvu/41

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quels se joignait parfois l’instituteur, M. Maigret. Celui-ci était un homme doux, passif et bien avec tout le monde. Marié, père de famille ; mais sa femme, une paysanne, ne fréquentait point la société.

Le whist ou le boston pour les grands parents ; le loto, le jeu d’oie ou le trente et un pour la jeunesse, faisaient toujours le charme de ces soirées, que Sidonie, tout d’abord, trouva plus que monotones. Mais qu’étaient donc les journées à Boisvalliers ? Au bout de quelques semaines, elle se surprît à attendre le dimanche avec plaisir, et son imagination, lasse d’errer dans le vide, s’en prit aux faits et aux personnages de la réunion. Aux faits ! y en avait-il dans cette succession, toujours la même, de cartes jetées et de numéros tirés, de mots convenus, de rires affectés, de propos fades et de cerveaux endormis ? Oui, les proportions changent ; mais le monde de l’infiniment petit a ses causes, ses effets, ses différences et même ses révolutions. Comme on arrive au bout de quelques instants à voir clair dans une cave, comme on découvre des populations dans un verre d’eau, comme le besoin fait taire les délicatesses du goût, ainsi, peu à peu, la jeune fille en vint à trouver dans ce milieu des incidents pour l’esprit, des intérêts pour le cœur. Après tout, le fond humain se trouvait là comme ailleurs, moins varié, moins large, moins affiné seulement. Mais chacun de ces personnages, qui se fut anéanti dans la foule, recevait de son quasi-isolement une grande importance, et se détachait en lumière sur le fond obscur du tableau. Vis à-vis du troupeau villageois, seul objet de comparaison, ils devenaient l’idéal.