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Huit jours après, elle se trouvait dans la rue quand passa Ernest en cabriolet. Il la salua d’un air aimable, presque gai.

— Il a l’air content, dit-on à côté de Sidonie. Quand on vient de visiter son amoureuse !…

À partir de ce moment, la pauvre fille vécut dans une angoisse, pendant laquelle chaque jour, de plus en plus, l’espoir se retirait d’elle comme la vie d’un mourant. Enfin elle apprit que les bans devaient être publiés à l’église le lendemain. Elle se sentit écrasée, prétexta une fièvre et se coucha. Quelle nuit de larmes ! Il ne l’aimait donc pas ! il l’avait trompée ! Oh ! quelle ingratitude à lui !… N’être pas aimée ! son cœur se brisait de sanglots. Tout son rêve évanoui ! Depuis six mois, elle avait placé toutes les joies, toutes les espérances, tout le développement de son âme sur un mensonge ! Elle avait pris l’entraînement d’un désœuvré pour un serment d’honnête homme. Elle était non-seulement abandonnée, mais insultée…

Elle ne voulut pas le croire. Tout son cœur se souleva contre cette pensée. En perdant le bonheur, elle voulut au moins conserver l’illusion ; garder au moins le rêve, quand la réalité lui échappait. Se rappelant la tristesse d’Ernest, elle pensa qu’il avait souffert, combattu, qu’il n’était que faible. Ses parents avaient exigé de lui ce sacrifice. Ah ! aimer ! céder ! sacrifier l’amour ! elle ne comprenait pas cette faiblesse ; mais il l’avait aimée : elle en était sûre ; il avait souffert, et pour cela elle l’aimait, elle pouvait l’aimer encore.

Elle sut contenir et cacher sa douleur, comme elle avait fait de son espérance.