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ment compromis son prestige dans cette affaire. Et de là, une opposition s’était formée, composée de tous les esprits inquiets de la commune, qui s’élevait à grands cris contre le népotisme, les abus du pouvoir, et minait les bons principes par des théories subversives. Le parti officiel se détendait par des paroles bien senties, pénétrées et solennelles, où l’ordre était invoqué, où l’on faisait appel à la conscience des honnêtes gens, où l’on parlait de vues supérieures, et qui se terminait par l’expression d’un dédain suprême pour de vulgaires accusateurs. Cette pièce n’était pas du père Moreau, qui ne savait pas écrire ; elle n’était pas davantage du capitaine qui s’était réfugié dans ses livres et dans son jardin, pour échapper à cette campagne ; elle était d’un clerc d’huissier, qui promettait un homme politique.

Les commentaires de cette pièce durèrent quatre ans. On en parla dans toutes les soirées. Elle brouilla les amis, les familles ; elle suscita des médisances, des calomnies et des haines, qui achevèrent de mettre Boisvalliers sans dessus dessous. IL fallut prendre parti pour ou contre ; la neutralité fut considérée comme une lâcheté. Des rixes eurent lieu, et peu s’en fallut que la citerne, qui était petite heureusement, ne fût comblée de cadavres. Au moins y eut il des procès, et les gendarmes intervinrent à Boisvalliers. Cependant, comme une petite pluie abat de grands vents, quelques amendes, sagement distribuées, apaisèrent l’orage. On continua de se détester, mais plus silencieusement, et l’ordre régnait à Boisvalliers comme à Varsovie, lorsque vint l’époque des élections.