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Page:Leo - L Institutrice.djvu/9

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La jeune fille semblait souffrir de cette scène et de ces épanchements, comme si son orgueil à elle eût été d’une autre nature. Elle se hâta de faire monter les meubles dans les deux petites chambres hautes, les y fit empiler, au milieu des lamentations de sa mère, et quand tout fut à peu près en place, elle s’occupa de régler avec le menuisier et le charretier. Elle se trouva en face de prétentions exorbitantes qu’il fallut combattre.

— Vous croyez que ce n’est pas plus fatigant de porter des meubles que de tourner les feuilles d’un livre, dit l’un d’eux avec aigreur. La discussion fut pénible, et pendant ce temps, la voisine restait là, bien qu’il n’y eût plus rien à faire, écoutant et regardant avec une avidité curieuse qui montrait clairement à quel sentiment tout autre que l’obligeance il fallait attribuer son empressement.

Après le départ du menuisier et du charretier, elle restait encore, et ne sachant comment s’en défaire, Mlle Jacquillat eut enfin l’idée de lui offrir une pièce, qu’elle accepta.

Restée seule avec sa mère dans cette école froide, aux murs blancs, lieu de sa tâche quotidienne, la jeune institutrice se mit à pleurer silencieusement. Elle se trouvait si étrangère dans ce lieu ! L’accueil froid et presque insultant de cette population, au milieu de laquelle elle allait vivre, lui avait serré le cœur. Il lui semblait même que, d’avance et sans la connaître, ces gens lui étaient hostiles. Elle ne se trompait pas. Le paysan est particulièrement jaloux des instituteurs et institutrices, dont le traitement lui paraît un vol fait à ses sueurs, car