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Page:Leo - L Institutrice.djvu/92

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la sottise des peuples, la cupidité, l’égoïsme détruisant sans cesse l’ordre réel, qui exige l’amour du bien, nécessitent l’emploi de la force et toutes les hiérarchies.

Elle ne répliqua pas ; mais dans ses yeux humides et rêveurs, où brillaient les espoirs de la jeunesse, il y eut une protestation.

Le lendemain, qui était son jour de congé, le jeudi, elle se mit en route, pour exécuter les ordres reçus. Elle se rendit chez diverses personnes, dit à contre-cœur sa leçon et laissa les bulletins.

La dernière maison où elle entra était celle d’un homme pauvre, mais intelligent, sabotier de son état, qui avait un peu fait son tour de France. Toute la famille, plus un apprenti, se trouvait à table. Les bulletins présentés, le sabotier les repoussa doucement.

— Voyez-vous, dit-il, je ne me dérange pas pour ça. Si je connaissais un vrai brave homme qui voulût faire les affaires pour le bien de tout le monde, à la bonne heure ! Mais autrement… Tenez, ces choses-là, ça n’est qu’une farce. Tout va comme auparavant. Ce duc et l’autre monsieur ne me sont rien et je ne suis rien pour eux. Je vois bien que ça leur ferait plaisir d’être nommés, et qu’apparemment ça fait leurs affaires ; mais les miennes, je n’en vois rien. Donc, mam’zelle, si vous permettez, vous garderez ça pour d’autres, puisque vous avez l’air d’y tenir.

— Moi ! dit-elle d’un air non équivoque, entraînée par un sentiment de confiance.

— Alors, ça vous est commandé ? — Il haussa les épaules. — Oui, faut toujours que les petits fassent les affaires des grands.

— C’est que les petits ne savent pas s’entendre, dit Sidonie, avec une certaine animation.