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CHAPITRE IV

C’était seulement à quatre ou cinq lieues de Boisvalliers, dans le même département de l’Oise, que l’institutrice allait résider. Autre village, plus petit encore et moins riant, Messaux, dans un pays plat, marécageux et boisé.

La maison, un peu plus grande qu’à Boisvalliers, était moins jolie. Les murs de la classe étaient malprogres ; le papier de la chambre à côté tombait en lambeaux ; mais la commune refusait de faire des réparations.

L’institutrice osa dire à ce sujet quelques mots timides ; mais le maire lui ferma la bouche :

— On avait restauré l’année précédente l’école des garçons. C’était assez pour longtemps. Quant aux filles, on avait déjà assez de peine à faire voter au conseil pour l’institutrice ; beaucoup de conseillers disaient qu’on pouvait bien s’en passer et que les filles n’ont besoin que d’apprendre à coudre.

— Non, voyez-vous, ajouta le maire, d’un ton confidentiel, en posant la main sur le bras de Sidonie, il ne faut rien dire. Voulez-vous des sœurs ? Elles seront bientôt arrivées. Le curé ne demanderait pas mieux. Ces femmes-là font venir d’elles-mêmes l’eau à leur moulin. Elles ne demandent rien d’abord, mais ensuite, quand elles sont bien établies, elles se font donner par tout le monde. Le curé est pour elles, et les femmes, et les gens riches, et alors tout va comme sur des roulettes, tandis que pour vous, c’est tout le contraire. Notre curé a les religieuses en tête. Je vous conseille donc de ne rien dire et de ne pas bouger.

(À suivre) ANDRÉ LÉO.