Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/107

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regard, j’oubliai tout, si ce n’est qu’elle m’aime. Elle m’aime ! Qui payera jamais la moindre parcelle de tendresse donnée ? Elle peut bien se tromper, avoir des préjugés, la chère enfant ; qui ne se trompe ? Mais de l’amour et de la bonne foi, cela est tout.

Je ne puis te peindre, Gilbert, combien elle est bonne ; avec quelle grâce incomparable, avec quel abandon, elle me livre son âme charmante dans ses doux regards.

Et puis, elle est si jeune ! Peu à peu nous nous comprendrons.

On l’appela. Elle voulut revenir seule, et je fis un long détour en courant pour rentrer par l’avenue. Mais maman Plichon nous a regardés d’un air soupçonneux. Blanche est triste ce soir et boudeuse, ou réservée, je ne sais trop. L’aurait-on grondée ? Ce serait détestable et puéril. Je ne comprendrais pas qu’on méconnut à ce point les droits de notre amour et notre dignité d’êtres raisonnables.

J’ai, remarqué en rentrant un détail curieux : assise dans l’antichambre et occupée à coudre, se trouvait cette Mignonne qu’Anténor, ce matin, voulait embrasser. Elle remit à la tante Clotilde un cahier de feuilletons, et celle-ci lui en promit d’autres. C’étaient le chevalier d’Harmental, la femme de trente ans, le lion amoureux, Piquillo : Alexandre Dumas, Balzac, Soulié Scribe. Sur une imagination de village, quel curieux effet cela doit faire !

— Pensez-vous, dis-je à la tante, que tout cela nourrisse bien sainement l’esprit de cette fillette ?

— Mais, me répondit-elle, pourquoi pas ?

— Ce pourquoi pas me paraissant magnifique, je n’en