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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/178

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est dans son droit, et je n’ai aucun scrupule à la satisfaire.

Il est certain que le sort imposé aux femmes par nos mœurs est triste. Elles n’ont pas d’existence qui leur soit propre, ni aucun refuge contre l’autorité paternelle que l’autorité d’un mari. Ça conviendrait tout au plus à des odalisques, et non à des natures élevées dans la libre atmosphère de notre siècle. Pauvres oiseaux à qui l’on attache les ailes !

Nous ne songeons guère à cela, nous autres hommes, parce que nous ignorons de telles souffrances. Mais tout à l’heure, faisant abstraction de ces formes qui nous gênent la vue, et me mettant à la place d’Édith, en qualité d’être humain, j’en ai frémi. Certes, à aucun prix je n’accepterais pour autocrate le père Plichon, et cette immobilité forcée d’un être actif et intelligent, qui gît ainsi dans la vie sans puissance d’action, sans avenir, n’est-ce pas affreux ?

Pourquoi ne veut-elle pas se marier ? Par orgueil sans doute. C’est bien possible. Plus aimante et plus dévouée, Édith serait plus aimable assurément et je ne saurais comprendre pourquoi elle ne s’entend pas avec sa mère. Mais nul n’est parfait. J’estime Édith, et serai vraiment son frère. C’est ce que je lui ai dit en lui répondant ; car j’ai envoyé de suite les dictionnaires et les grammaires, plus un livre d’Œhlenschlager. Mais le difficile, c’est l’éditeur. J’en ai vu quatre. Mêmes fins de non-recevoir, partout. Toi, qui connais particulièrement un de ces messieurs, vois, je t’en prie, à te charger de cela. Écris, et tâche d’obtenir une prompte réponse. Je voudrais satisfaire Édith.