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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/20

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se baigne dans des flots d’amour sous la paupière humide et frangée, qui à chaque instant s’abaisse et se relève. Elle a de même un esprit feu follet qui luit et se cache sans cesse, une pudeur de Galathée, des réserves qui avouent tout ; des naïvetés à faire éclater de rire, si l’on n’était saisi de respect. Elle ne manque pas de coquetterie ; mais ses ruses sont celles d’un enfant, et sa préférence pour moi, qu’elle croit bien cacher, est le secret de tout Royan. — Il faut dire en passant qu’elle est très-fière de m’avoir conquis, et que, sans croire s’engager, elle aime à constater son empire aux yeux de tous, en me donnant des ordres, en acceptant mon bras au jardin, en ne dansant guère qu’avec moi.

Le plus étrange, c’est que les parents de Blanche, dans leur genre aussi naïfs qu’elle, au lieu de s’inquiéter de mes assiduités, semblent trouver aussi le jeu charmant. Est-ce confiance en leur fille ? en moi ? Ils n’auraient pas tout à fait tort, car je respecte et j’adore sa candeur et vais parfois jusqu’à m’impatienter de la voir se compromettre par étourderie, et de la manière la plus bénévole. Mais ils ne me connaissent pas. Peut-être me considèrent-ils comme un parti ? Mais la plus simple prudence devrait les porter à m’interroger sur mes intentions. Heureusement, ou malheureusement, ils ne me jettent point dans cet embarras. Du diable, si je sais quel avenir je désirerais, quand même une fée m’offrirait sa baguette. Je te quitte ! je me sens porté à réfléchir, c’est-à-dire à devenir fort sec ou fort triste. Adieu.