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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/203

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appellent toujours de l’expérience, — que l’humanité recommence incessamment, et sans doute poursuivra toujours.

Je l’ai tant appelé, tant aimé, l’amour ! j’ai cru si profondément en lui ! Et cependant il me trompe. J’ai connu déjà les tortures de la trahison ; maintenant les souffrances moins vives mais aussi cruelles du désenchantement.

Si l’amour n’est qu’un leurre, où prend-il tant de puissance ? Tous, à notre heure, nous en raffolons, nous en rêvons tous. Les uns lui donnent leur vie, d’autres leur fortune, d’autres leur honneur ; un grand nombre ne lui accordent qu’une étable dans leur palais ; mais, vil ou grand, il mène le monde. Moi, je lui donnais mon âme tout entière, tout mon espoir, toute ma foi, tout ce besoin immense de croire et d’adorer…

Et qu’aurais-je poursuivi de plus délicieux et de plus grand ? C’est en lui que réside la source du sublime et la vie dans ses bases les plus profondes.

Les hommes ont fait de l’amour un jouet, et de l’ambition une chose sérieuse. Mais qu’est-ce que l’ambition ? Une satisfaction solitaire. Cette égoïste passion n’a et ne peut avoir pour but que des jouissances matérielles, ou le stérile plaisir du commandement ; car, dès qu’elle s’applique à un but moral, elle rencontre l’amour dans la fraternité. Les grands ambitieux n’ont jamais été que des manœuvres. Ouvriers cyclopéens, ils sont venus donner au monde la forme des idées, qu’avaient révélées avant eux des amoureux de justice et d’humanité.

On a beau le railler, on a beau l’avilir. Depuis Homère