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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/220

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Jean, qu’elle repoussa son assiette et cessa de manger. La tante Clotilde refusa, par le même motif, une aile de perdreau. Je portai mes regards sur Édith : elle avait les yeux baissés, le visage immobile comme à l’ordinaire et mangeait avec une sorte d’empressement.

— Que diable allait-elle faire dans cet arbre ? s’écria M. Plichon.

— Elle avait faim, Monsieur, dit Jean, dont la voix s’altéra et qui passa la main sur ses yeux.

Nous restâmes silencieux, tous, et maman dit à Jean de porter chez la Chollette un pain de deux livres et le reste du poulet qu’on avait servi la veille.

M. Forgeot, alors, après avoir forcé Blanche et Clotilde par ses instances à manger des œufs au lait, fît une tirade à sa manière. (Il faut dire que pour lui la misère de la Chollette ne lui a pas fait perdre un coup de dent !)

— Oh ! la femme de cœur ! il n’y a pas d’être plus beau, plus touchant, plus complet. Qu’y a-t-il de plus désirable pour l’homme que cette créature sensible, impressionnable aux maux d’autrui, attachée à ses devoirs, soumise et dévouée, et qui ne cherche point, avec un vain orgueil, à mettre son intelligence en lutte avec celle de l’homme, de peur d’y perdre ses attributs les plus touchants, la grâce et la tendresse. Oh ! le cœur ! le cœur ! il n’y a que cela !

Le cœur ! la femme de cœur, sont le dada favori de M. Forgeot, qui tient beaucoup à trouver du cœur chez ses semblables, et je ris souvent in petto des airs de colombe que prend Clotilde pour mériter le titre de femme de cœur, désir qui parfois la pousse à des excès de sen-