Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/229

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et je ne puis dire l’impression étrange et profonde que me causaient ces révélations d’une vie intense, dans le sein d’un être que jusqu’alors j’avais cru de marbre. Elle, qui a pris le parti, depuis si longtemps, de répondre par le mépris à ce qui la blesse, ne donna pas davantage la réplique à notre compagnon. Nous nous en prîmes aux étoiles. Je lui appris à connaître quelques constellations et nous parlâmes d’histoire à ce propos. Édith comprend largement toutes choses et les suppositions qu’elle fait parfois sont plausibles et lumineuses comme des systèmes. C’est un des plaisirs les plus vifs qu’on puisse éprouver que le contact d’une pareille intelligence. Aussi, lorsqu’elle m’a dit : — Que vous êtes heureux de savoir l’astronomie ! me suis-je empressé de lui offrir quelques leçons, qu’elle a acceptées, et que nous prendrons chaque soir à la même heure, sous le ciel étoilé.

— Quoi, vous n’avez pas assez du grec et du latin ? s’écria Forgeot, il vous faut encore de l’astronomie !

— Vous savez ces langues ? demandai-je.

— Mon Dieu, oui ; j’ai appris ce que j’ai pu, répondit-elle simplement ; mais ce sont précisément les choses que je ne sais pas qu’il me serait le plus agréable de savoir.

Sur le seuil de la maison, Forgeot, devenu héroïque, me prit à part :

— M. William, me dit-il d’un ton solennel, jurez-moi que vous ne m’avez pas rendu victime d’une mystification.

— J’ignorais que vous fussiez poltron, ai-je répliqué, et je ne suis pas un mauvais plaisant.

— Alors, je pense, n’est-ce pas, qu’il est inutile… cela pourrait effrayer ces dames.