Aller au contenu

Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Riez et philosophez tant qu’il vous plaira ; sur l’absurdité et la folie des rêves d’amour éternels ; hors d’eux, il ne nous reste pour vivre que les sens et l’intelligence, dualité sans lien, et pour moi sans intérêt. Les plaisirs de l’intelligence m’attirent, il est vrai ; mais ils ne me passionnent point, parce qu’en l’absence de moralité ils manquent pour moi de but, aussi bien que la vie. Ce n’est plus que joute et passe-temps, ou recherche d’ordre et de bien-être. Ces choses sont précieuses pour l’homme, assurément, et de tout mon cœur je les lui souhaite ; mais après tout c’est si peu de chose en soi que jouir ou souffrir… un peu de temps. Hélas ! perdre confiance en l’âme humaine, c’est en effet perdre du même coup foi en sa durée. À quoi bon dès lors le travail, l’effort ? À quoi bon tout ? Que puis-je vouloir ? que puis-je fonder ? Sans horizon et sans but, pourquoi marcherais-je ?

Cette négation de l’être, au sein de l’être lui-même, est mortelle. Ces idées-là flétrissent tout : elles me tueraient si je les gardais toujours en moi. Ce ne serait pas un malheur, et mourir me serait facile ; cependant je tiens encore à la vie, je ne sais pourquoi, soit instinct, soit espérance. Aussi me laissé-je réfléchir le moins possible ; volontiers je me laisse prendre par tout ce qui sied à ma nature, et je m’endors tous les soirs sur un livre scientifique afin de ne pas songer. Une fois pour toutes, maintenant, mon cher camarade, ne me parle pas d’avenir. Tu ne ferais que m’attrister et m’impatienter. M’as-tu compris ?

Pas encore. — Eh bien non, je ne conclus pas du par-