voyant souffrir. Ô mon Édith ! Jamais je n’éprouvai pareils ravissements et pareille torture. Dans quel abîme d’amertume et de délices je suis plongé !
Ce cahier, je l’ai lu et relu toute la nuit. C’est bien elle ! mais plus grande, plus divine que je ne la savais. D’où vient-elle, mon Dieu ? Née seulement depuis dix ans à la vie de la pensée, comment possède-t-elle tant de hauts secrets ? Elle a du premier coup trouvé ce que je cherchais, ce que tous cherchent encore. Ah ! si de toute ma foi je ne croyais pas à l’immortalité, je la comprendrais et la toucherais par elle. Cette âme, si savante, si forte en naissant, a déjà vécu. Je me demande seulement de quel ciel elle est tombée.
Je voudrais garder ce cahier ; mais peut-être exigera-t-elle que je le lui rende, je vais donc transcrire pour moi seul, comme elle le fit pour elle seule, tous ses fragments sur l’amour. Ils sont le résumé, plus naïf et plus pur, de tout ce que j’ai pensé ; mais je n’ai pas su trouver comme elle une solution vraie. Elle, elle sait tout.
Premier fragment. « Ce dont parlent la plupart des hommes et des livres sous le nom d’amour me cause du dégoût, une sorte de haine. Ils me font éprouver de la honte à être femme. Souvent, en considérant cette passion telle qu’elle se présente, si peu de chose comme but, j’éprouve un étonnement extrême en la voyant un des principaux mobiles du mouvement humain, une des plus grandes préoccupations de l’être. Chez la femme, elle s’allie volontiers à l’ambition ; c’est un moyen. Pour l’homme c’est un but, mais de sensualité pure. Et