Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/299

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mier témoin. Ah ! mon cher, enfin ! enfin ! c’est partie gagnée ! je suis au comble de mes vœux ! Vois ce que c’est que la persévérance. On n’arrive mon cher, qu’avec cela.

Il faut bien que je te donne des nouvelles de ton manuscrit. J’ai vu Saurin, avec lequel j’ai longuement causé : Il reconnaît le mérite de ton œuvre ; mais il ne croit pas plus que Harle à son succès, et refuse également d’en faire l’essai. Ses raisons sont à peu près les mêmes, toujours le goût du public ; l’ouvrage est trop sérieux. M. de Valencin m’a-t-il dit, voulez-vous que je vous donne le fin mot ? Il nous faut du décolleté ; il n’y a que ça. Le succès des ballets de l’Opéra, vous savez, tient au plus ou moins de longueur des jupes de danseuses ; et, s’il y avait moins de pantalons, on applaudirait bien davantage. Eh bien, voyez-vous, pour un livre, le grand talent consiste à faire des pantalons — car il en faut toujours — bien faits, ou plutôt pas trop bien faits, et de la gaze la plus claire possible. Habillez comme cela deux ou trois scènes, le reste importe peu.

— Cependant, lui dis-je, il répugne à un honnête homme…

— Attendez, me dit-il, ce succès-là peut être encore un succès d’estime. Il y a moyen de tout arranger. On peut, tout en prenant ce moyen sûr et facile d’être lu, obtenir pourtant les honneurs du grand jour et des jugements sérieux. Il ne s’agit que de mêler à tout cela un peu de catéchisme, de jeter du fond du vice quelques soupirs très-ardents vers la vertu, le foyer domestique, une mère sainte, les joies de famille, etc. On dit alors : Ce n’est pas