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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/329

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venue la maîtresse, et qui lui a laissé deux ou trois millions, au détriment de sa famille. Le soi-disant boyard, qu’elle appelle son père, est un esclave affranchi qu’elle paye pour jouer ce rôle ; sa sœur est bien sa sœur ; Olga est une infâme ! cet Italien était bien son amant ! J’allais tomber au dernier rang des dupes et des imbéciles. J’ai tout rompu sur-le-champ, tu le penses bien. Mais je suis au désespoir. Cette femme je l’aimais, je la désire encore, je ne puis me consoler de la perte d’un rêve si beau.

D’autre part, j’ai fait ce que l’honneur exigeait ; mais me voilà sans ressources. J’avais donné ma démission, tu le sais ; maintenant plus de carrière, plus d’avenir. Je me suis endetté à poursuivre cette fortune qui m’échappe, et ne sais plus vraiment où donner de la tête.

Tout cela va t’affliger, quand tu as bien assez de tes propres ennuis, cher William. Ah ! mon ami, de quoi sert la prudence ? Tu vois, nous ne sommes pas plus heureux l’un que l’autre. Je me croyais si sûr, si habile ! À quelque but que nous visions, ce ne sont partout que chimères. Que ne donnerais-je pas maintenant pour retrouver cette place, que j’ai quittée si stupidement !

Je songe bien à aller raconter ma triste aventure à mon ancien chef du personnel, qui, lorsque j’allai prendre congé de lui, m’exprima les regrets les plus gracieux. Mais peut-être ne s’adressaient-ils qu’à l’homme riche que j’allais être, et mon malheur pourrait le trouver moins aimable. C’est tout au plus, d’ailleurs, s’il pourrait m’offrir la position inférieure à celle que j’occupais. Et quel ennui de reparaître ainsi, malheureux et humilié,