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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/331

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échange, c’est toujours, vois-tu, le bien le plus grand, c’est la grâce céleste elle-même, l’effluve éternelle, supérieure à tout ce qui passe autour de nous.

Tu le vois, mon Gilbert, je suis heureux. Ton embarras seul me peine ; sans quoi je t’estimerais heureux d’avoir échappé à ce mariage. Prends courage, mon ami. Avec de la jeunesse, de l’énergie, une bonne conscience, tu te relèveras bientôt. Nous allons nous revoir, et causer de tes affaires. Je vais dans peu de jours m’arracher d’ici ; car j’ai à travailler, à créer notre avenir, et je suis animé d’une telle ardeur, que par moments j’ai hâte de la quitter. Veux-tu prendre la place qu’on m’a offerte ? Tu connais le secrétaire du duc ; ce serait facile. C’est peu, mais en attendant… Je ne l’accepte pas, moi ; j’ai maintenant bien d’autres projets.

Mais il faut que je te dise tout. Tu sais dans quelle situation affreuse j’étais, ou plutôt, non, tu ne savais pas, car je n’avais pu t’avouer la résolution extrême que j’avais prise dans mon désespoir : esclave de ma parole, l’âme aux fers, je ne pouvais plus vivre. Ce mariage, maintenant, me révoltait. Rien du prestige qu’autrefois Blanche avait eu pour moi ne subsistait plus ; sa présence m’était importune ; il me fallait un effort de justice pour être indulgent et bon vis-à-vis d’elle. D’ailleurs, aimant Édith, je ne pouvais épouser une autre femme, je ne pouvais à ce point profaner l’amour. J’étais donc décidé à ne point entrer dans la chambre nuptiale, et, ma promesse accomplie, à me brûler la cervelle le soir du mariage. Blanche, comtesse et libre, ne m’eût pas pleuré longtemps.