Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/340

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pleurant et criant de joie, car, j’étais sûr qu’elle m’aimait et je n’avais jamais espéré ce moment où nous étions. Elle me donna ses mains qui tremblaient et elle appuya sa tête sur mon front. Ce que nous dîmes est écrit en moi ; je ne l’oublierai jamais. Nous n’avions qu’une pensée, à la surface de laquelle d’autres passaient, comme dans l’infini le fini s’agite, et de temps en temps, quand nos esprits emportés bien loin revenaient à ce moment bienheureux de notre rencontre et de notre union, nos mains échangeaient une pression nouvelle, et de nouveaux frémissements de joie nous parcouraient le cœur.

J’étais à genoux ; elle s’en aperçut et me fit asseoir près d’elle ; et ses regards rayonnants et souriants me disaient :

— Ce n’est pas à genoux que tu dois m’aimer. Il me venait des pensées, des protestations qui mouraient sur mes lèvres ; tout cela était inutile, nous nous comprenions. Un seul regard disait plus que cent paroles. La nuit tomba ; mais nous nous contemplions encore dans la nuit. Je sentis que désormais nous serions toujours ensemble, même éloignés. Il me faudrait aller travailler loin d’elle pour l’acquérir ; mais la distance même n’avait plus le pouvoir de nous séparer.

On appela Édith pour le dîner ; nous descendîmes. Blanche gardait sa chambre. M. Plichon arrivait de la ferme ; il ne savait rien. Le dîner fut silencieux ; mais tout éclairé pour elle et pour moi des rayons de nos regards qui se croisaient à travers la table. Parfois, en contemplant cet être admirable que j’avais jusqu’alors