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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/342

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substitution d’Édith à sa sœur. On soutiendrait aux gens qu’ils avaient mal vu, et qu’il s’était toujours agi, non de la plus jeune, mais de l’aînée.

Et maman a réussi, M. Plichon est charmé qu’Édith se marie, non sans quelque frayeur toutefois, de ce que deux pareilles têtes, comme il dit, pourront faire ensemble. Les deux sœurs viennent d’avoir une explication, où Blanche a assuré qu’elle n’avait aucun regret touchant ma personne. Maintenant, elle affecte de me traiter en frère, et prend le beau rôle dans notre rupture, en donnant à entendre qu’elle seule a voulu briser. Nous la laissons faire. Cependant, le dépit et l’amour-propre la pousseront à désirer un prompt mariage et la feront passer, je crois, sur la mésalliance, quand elle se sera persuadée suffisamment qu’elle aime Prosper, et que le refuser serait le précipiter la tête la première sous les roues de son moulin. C’est d’ailleurs un beau garçon, poétique et timide comme un amant malheureux, doux, instruit, pas trop gauche et romantiquement pâle, d’une pâleur qui malheureusement rappelle la farine, mais qui fera très-bien à cent lieues d’ici.

Quant à moi, je te l’ai dit, je rejette la bureaucratie. Me voici rendu à moi-même et j’ai des projets nouveaux. Il me faut acquérir l’aisance pour mon Édith et pour moi, et nous avons également besoin d’une utilité vraie, à laquelle nous puissions nous consacrer. Elle a raison : le but de la vie, c’est une œuvre conçue dans l’idéal, et que l’homme et la femme, appuyés l’un sur l’autre, et soutenus par l’amour, réalisent ensemble. Notre bonheur, si grand qu’il soit, ne nous suffirait pas, si nous nous bor-