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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/40

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le front de celle-ci rougir légèrement, à la manière dont l’aube colore le ciel. Un moment après, j’obtenais un regard furtif ; puis elle daigna causer ; mais avec un peu de langueur. En revenant à Royan, comme la fraîcheur du soir tombait, Mlle Clotilde força Blanche de remonter son châle sur ses épaules.

— Elle a été souffrante ces derniers jours, ajouta-t-elle en me regardant, avec l’intention évidente de ne me rien laisser ignorer de mes torts.

Cette aimable tante protége décidément nos amours. Tout cela me ravit et m’impatiente à la fois, et je me laisse aller au charme que j’éprouve, en m’irritant contre moi-même et contre les autres. Quelquefois, je me dis : Tant pis pour eux ! mais j’en ai des remords aussitôt, car je me sens heureux au milieu de ces braves gens, et l’attrait de cette jeune fille est si touchant et si doux !…

Mais à quoi tout cela peut-il aboutir ! Je ne veux pas la séduire et ne veux pas davantage me marier. Non, je ne contracterai pas d’engagement pour la vie, ne croyant pas à la durée de l’amour. Non, car tout ce qui est sérieux, ou prétend l’être, m’irrite comme une ironie ; je ne puis accepter la vie que jour à jour, au hasard des événements, libre de me retirer à mon gré de toute chose. Je suis las…, comme si j’en avais le droit, car après tout j’ai peu vécu et n’ai jamais travaillé. Là est le mal peut-être. Mais travailler à quoi ? pourquoi ?

— Épouser cette jolie fille, avoir des enfants, vieillir, toutes ces choses banales et prévues ont-elles de quoi remplir trente ans d’existence ? Elle m’aime pourtant ; c’est ce qui me tient le cœur et ravive malgré moi la