Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/55

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cette jeune fille, compromis sa réputation, mis sa vie en danger…

— Madame, puis-je vraiment être si coupable ? Elle et moi ne nous connaissons que depuis quelques semaines, et…

— Est-ce qu’on doute à dix-huit ans ? Est-ce qu’on hésite ? L’amour à cet âge (hélas ! je le sais) est un coup de foudre, une révélation. Ah ! ma pauvre Blanche ! ma pauvre enfant ! si bonne, si pure, si pleine d’avenir ! C’est moi, folle ! qui l’ai perdue ! moi qui l’aimais tant !

Mlle Clotilde éclata en sanglots et se cacha le visage dans ses mains. Moi aussi, mon cœur se brisa.

— Si je croyais, murmurai-je, que celle-là saurait aimer…

— Vous ne le croyez pas ! s’écria Clotilde en se levant ; vous ne le croyez pas ; et pourquoi, mon Dieu ? Mais ce ne sont pas les femmes qui se lassent d’aimer, Monsieur ; vous n’en avez donc pas connu d’honnêtes ? Ah ! si vous vous défiez de cette enfant, dont vous avez pris l’âme, si vous n’avez que ce motif-là, tenez, je vous laisse, vous n’êtes pas digne d’elle. Dites, sont-ce là ces scrupules dont vous parliez ?

— Non.

— Alors dites-les. Puisqu’ils sont honorables, vous devez les faire connaître. Voyons, ne pourrais-je les deviner ? Il va sans dire que vous n’êtes point marié ?

— Je fis en souriant un geste de dénégation.

— Bien. Vous n’êtes non plus, justement ou injustement, sous le coup d’aucune accusation déshonorante ?