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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/65

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sous le régime dotal, et je ne l’épouserai qu’après avoir obtenu un emploi.

— Oh ! que vous êtes fier ! observa-t-elle, mais bien généreux aussi. Et vous ne continuerez pas à être prodigue ?

— Me prenez-vous pour un égoïste ? demandai-je.

Elle me serra la main pour toute réponse. Je lui donnerai sans peine le nom de mère ; et pour toi qui as connu celle que j’ai perdue, c’est un éloge assez grand, Gilbert.

Il y a dans cette famille deux personnes dont je ne crois pas t’avoir parlé encore, mademoiselle Édith et Anténor, un garçon de vingt et un ans, qui sort, un peu tard, du collége, et qui va bientôt se rendre à Paris, pour y étudier le droit, à ce qu’il assure. C’est moi pour le moment qui suis l’objet de son étude, et il s’efforce de copier ma tenue, ma mise et mes manières avec une fidélité servile, qui m’humilie quelquefois. Peu spirituel, très-vaniteux, fanfaron, pas méchant diable : tel est mon futur beau-frère.

Mademoiselle Édith a vingt-quatre ans ; elle est grande, extrêmement blanche ; elle a des yeux et des cheveux noirs. C’est une personne presque désagréable, à force de sécheresse et de mutisme. Ses lèvres ne s’ouvrent que pour laisser tomber des monosyllabes ; elle semble étrangère dans sa famille, où l’on tient d’elle peu de compte. Elle passe une grande partie de la journée dans sa chambre, s’abstient de paraître au bal et ne paraît prendre plaisir qu’à la natation, où elle est de première force. La première fois que je la rencontrai, ce fut à deux cents brasses de la côte. J’étais seul et songeais à revenir,