Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/99

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pas cherché à te faire comprendre le charme de ce visage fin et doux, de cette souplesse gracieuse, de toute cette harmonie qui la compose. Je remportais avec moi dans ma pensée, et, songeant à son réveil, je constatais l’analogie profonde qui existe entre la nature et l’homme ; on ne pouvait comparer l’expression de tout ce qui m’entourait qu’au sourire d’un être heureux.

Cette beauté de la nature me remplissait de foi et d’espérance. La beauté, qu’on la cherche ailleurs ce sera en vain, n’est que la forme d’une idée. Et c’est pourquoi l’amour se confond avec la foi. C’est pourquoi l’on adore avec tant de reconnaissance la femme qu’on aime, révélation vivante, incarnation de l’idéal. Cette nature souriante, riche et forte m’affirmait le bonheur et j’y comptais, à cette condition sérieuse et nécessaire, de le mériter.

J’ai fait plus de deux lieues, et j’ai pris une idée du pays aux environs. Il est très-varié d’aspect, et mieux cultivé de ce côté. À peu de distance du Clain, j’ai rencontré un gros village. Ce doit être Sanxenay, le chef-lieu de commune dont j’entends parler. Les coteaux du Clain, tantôt arides et tantôt boisés, sont charmants. Mais le luxe de ces campagnes contraste avec la misère de leurs habitants. Les demeures des hommes ressemblent à des étables, et c’est une risée amère que de voir, à côté du vernis éclatant des feuilles et de la fine texture des herbes, les saies haillons du prétendu roi de la nature. Encore, ne serait-ce rien que le vêtement ; ce qui m’indigne surtout, c’est l’abaissement moral et intellectuel de ces visages. Rien d’élevé, de noble, de viril, nul éclair. Les traits sont gros, quelquefois ignobles, la face