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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/58

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honte, eut donné encore un léger coup, rien qu’à voir la porte s’entrebâiller, ils prirent aussitôt leurs jambes à leur cou et se sauvèrent comme s’ils avaient eu le diable à leurs trousses.

Une attaque pareille d’un homme dans sa maison, si elle avait été faite par des républicains, eût fait, grâce aux préfets et aux journaux bonapartistes, le tour de la France, et l’on eût crié partout : — Voyez ce que font les rouges ! Quels coquins ! Mais, comme c’était du fait des bonapartistes, on ne s’en occupa seulement pas.

Quant à Louis Brésy, les gendarmes allèrent chez lui. Ce n’était pas pour le prendre, ils savaient qu’il n’y était pas ; mais ils parlèrent à sa mère et effrayèrent tant la pauvre femme, que son fils la trouva malade et qu’elle ne manqua pas de le tourmenter de toutes ses forces, — comme on l’avait bien prévu, — pour qu’il ne s’occupât plus de politique.

Ce fut un gros souci pour Louis, qui aimait fort sa mère, mais ce ne fut pas le seul. Craignant de faire attendre Marie à leur rendez-vous du dimanche, à cause de la votation, il fit en sorte, le samedi, de la rencontrer le soir, comme elle ramenait les vaches avec petit Pierre. L’enfant ne les gênaît point ; aimant Louis presque autant qu’il aimait sa sœur, il semblait comprendre, sans qu’on le lui dit, qu’il ne fallait point causer de leurs rencontres, et il se mit bravement à chasser tout seul les vaches, laissant les deux amoureux le suivre. Louis cherchait les regards de Marie ; mais elle baissait la tête sans rien dire.

— Marie, seriez-vous fâchée que je sois venu ce soir ? C’est à seule fin de vous prier de ne point vous impatienter, si je n’arrivais pas demain à l’heure juste, ou, si vous voulez, de venir un peu plus tard, car je pourrais être retenu, bien malgré moi.

— Ah ! c’est pour ça ? dit-elle. Et elle n’en dit pas davantage, mais détourna les yeux d’un air courroucé.

— Qu’avez-vous ? Marie.

— Oh ! rien. Seulement, je pense que ça vous arrangerait mieux peut-être de ne plus venir du tout ?

— Marie ! s’écria-t-il, que vous ai-je fait pour que vous soyez si mauvaise pour moi ?