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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/60

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truit, moins misérable, meilleur, plus heureux. Vous me direz que je n’y peux pas grand’chose. Mais, si chacun disait ça, il n’y aurait personne pour s’en occuper, tandis que plus il y en aura qui demanderont l’instruction et la justice, plus nous serons près d’y arriver. Vous voyez donc bien que je serais un lâche de déserter la politique pour les intérêts de notre amour.

Oh ! pourtant, je vous aime bien ! Mais, si j’étais capable d’abandonner pour vous mon devoir, Marie, je ne serais pas non plus capable de vous aimer honnêtement.

Elle l’écoutait avec de grands yeux attachés sur lui, déjà confuse de ce qu’elle avait dit, et tout à coup, avec sa vivacité vaillante :

— Eh bien, Louis, dit-elle, continuez de faire de la politique et, quelque chose qu’il arrive, je vous aimerai toujours !

Le moyen de résister au désir de l’embrasser après ça, la bonne et charmante fille ! Heureusement, Pierre était déjà loin et l’on était à la brune. Rougissante, elle se dégagea vivement des bras de son amoureux et prit sa course pour rejoindre son petit frère, et arriver à la ferme en même temps que lui.

Il n’y eut que 36 non à Fouligny, sur plus de 500 oui sortis tout flambants de l’urne, ornés de : Vive l’empereur ! ou de points d’exclamation. Les bonapartistes, fiers et joyeux, regardaient insolemment les pauvres rouges », qui, sans bruit, se faufilaient chez eux. Il y en eut même plus d’un qui, se voyant seul ainsi contre tout le monde, n’était plus sûr d’avoir bien fait, accusait M. Cordier et quelques autres de l’avoir mal conseillé. C’est le père Chazelles aussi, qui se moquait d’eux ! On but, on chanta dans les cabarets, passé minuit, et il n’y eut guère de gens qui, en se couchant ce soir-là, ne mirent avec plus de confiance leur tête sur l’oreiller, persuadés qu’ils venaient d’assurer — comme leur avaient dit M. le ministre, M. le sous-préfet, M. le curé, M. le maire et toutes les autorités — la paix et la prospérité de la France.

ANDRÉ LÉO

(À suivre.)