Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/68

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jetant sa faux et en prenant le chemin de la maison.

Ses fils allaient le suivre quand Annette, retenant le père, lui dit :

— Il n’est arrivé à la mère que du chagrin… à cause de… la guerre !

Ils répétèrent tous étonnés :

— La guerre ! qu’est-ce qu’elle dit ?

— Es-tu folle ? dit le père ?

— C’est la mère Galey qui est venue chez nous, et elle pleurait et se lamentait parce que son fils, qui avait un bon numéro, partira tout de même, à ce qu’il parait. Oui, on a la guerre, tout le monde le dit ; celui qui porte les lettres l’a dit partout où il a passé, et la nouvelle en est venue ce matin de Paris où, paraît-il, on a crié toute la soirée d’hier : « Vive la guerre ! À Berlin[1]! » La mère a été si

  1. Ce fut un indigne mensonge répandu par des journaux ministériels et des feuilles à commérages, que n’osèrent pas démentir les journaux de l’opposition. La guerre fut accueillie, à Paris comme en province, plus qu’en province, par une réprobation énergique. Tous les témoins de bonne foi diront que, de la Madeleine au Château d’Eau, les boulevards étaient pleins d’une foule compacte (surtout sur le boulevard des Italiens) et qui, morne, hostile, de temps en temps laissait échapper cette parole, répétée par des milliers de bouches : Vive la paix ! Deux seules misérables bandes, les blouses blanches, comme on disait, c’est à dire des hommes payés pour jouer le rôle d’ouvriers, parcoururent la ville en tous sens, on poussant ce cri : À Berlin ! qui fut répété dans toute l’Europe comme étant l’expression du chauvinisme de la population française ; car l’Europe, qui nous accuse de légèreté, nous juge sur de telles apparences, et ne lit guère que nos journaux ; de mensonge et de scandale. Derrière ces bandes, il s’en était formé d’autres, de vrais ouvriers, criant : Vive la paix ! Mais celles-ci furent aussitôt dispersées par les ser-