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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/74

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tous côtés pour les chevaux de l’armée, valait son pesant d’or.

Un jour que maître Chazelles marchait sur la route de Fouligny, la tête basse, enfoncé dans sa tristesse, il rencontra M. Cordier.

Celui-ci s’arrêta pour demander à Chazelles des nouvelles de ses fils.

— Merci bien, monsieur ; nous avons une lettre de Justin ; ça va bien pour le moment, en attendant…

Et la voix lui resta dans le gosier.

— Courage, père Chazelles, ils n’y resteront pas tous.

— Ah ! monsieur, vous aviez bien raison de me prédire des malheurs ! Que voulez-vous ? je n’en savais précisément rien, sinon que s’en remettre de tout à la fantaisie d’un homme, est grosse imprudence. Il n’y a qu’un souverain qui ait le droit de déclarer la guerre, c’est le peuple, parce que c’est lui qui en pâtit.

— C’est juste, monsieur, c’est juste. Ah ! si c’était à recommencer !… Heureusement, à ce qu’il paraît, que ce ne sera pas long et que tout est bien arrangé pour donner aux Allemands une bonne râclée, et qu’ils n’en voudront pas longtemps.

M. Cordier secoua la tête.

— Oh ! reprit Chazelles avec un peu de mauvaise humeur, vous ne voulez croire à rien de bon.

— Ce n’est pas ça, maitre Chazelles. Quand même on battrait les Allemands, je ne trouverais pas cela beau, parce que faire tuer tant de monde pour des querelles de rois et d’empereurs, c’est un gros crime. Mais j’ai peur, comme Français, que ce ne soient pas les Prussiens qui soient battus.

— Allons donc, monsieur, allons donc ! Vous y mettez de la mauvaise volonté. Puisque toutes les mesures sont prises.

— Oui, oui, je sais ; il ne manque pas un bouton de guêtre ; le ministre l’a dit. Eh bien, père Chazelles, je le souhaite ; mais rappelez-vous que je n’en crois rien.

— Et pourquoi donc ?

— Parce que les habitudes des cours impériales ne sont ni le bon ordre, ni l’économie, ni l’honnêteté ; ces gens-là