Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/80

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niers, de ses provisions, de ses trente ou quarante wagons à n’en plus finir ; tandis que nous manquons de tout, nous autres, qui nous battons.

Qui jamais, au Bourny, aurait cru entendre un pareil langage ? Mais il fallait bien y croire, de la bouche de ces témoins qui avaient non-seulement vu, mais souffert ce qu’ils disaient. Et quel plus grand témoignage d’ailleurs que le spectacle de cette déroute au commencement de la guerre, dès que les deux armées avaient pu se mesurer. Ce n’était pas la bravoure qui manquait à nos malheureux soldats ; ils mouraient par milliers sur le champ de bataille sans broncher, cent fois plus braves et plus patriotes que quelques-uns de ceux qui les commandaient.

— Et Jacques ! et Jacques ! répétait la mère désolée.

Pour Justin, elle savait qu’il n’était pas encore au feu.

Jacques était du corps d’armée du maréchal de Mac-Mahon, et l’on savait seulement que ceux-là se repliaient sur Châlons, abandonnant d’un coup toute l’Alsace et la ligne des Vosges, où une armée eût pu défendre avec avantage le pays. Et de ce côté la déroute était plus lamentable encore et le désordre plus grand.

Tout le pays, il va sans dire, était sans dessus dessous. On criait :

— Les Prussiens vont venir !

Et comment s’attendre à autre chose en voyant cette armée qui s’enfuyait ? Beaucoup chargèrent sur des charret-