Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sil ; avec une présence d’esprit que donne le danger à certaines natures, elle enlève au Prussien mort à ses pieds sa cartouchière, grimpe dans le fenil, descend par là dans une autre étable, et sort par une petite porte qui donne dans le pré à côté du chemin. La, comme une perdrix dans les sillons, elle file le long de la haie. Aussitôt elle est sur la route et s’y trouve en face de son petit frère, qui rapporte le tabac aux soldats. Le saisissant par les mains.

— Viens avec moi !

— Et le tabac !

— Garde-le. Viens.

Elle l’entraîne dans les champs ; ils marchent rapidement à l’abri des haies. En passant près de chez la mère Galey, Marie lui crie :

— Dites à ma mère que Pierre et moi sommes en sureté. Nous reviendrons quand les brigands seront partis.

Et elle recommence de courir, entrainant l’enfant jusqu’au bois le plus proche, où un instant ils reprennent haleine. La nuit tombait.

— Où allons-nous, sœur demande alors Petit-Pierre.

— Bien loin.

L’enfant se mit à fondre en larmes.

— Ne pleure pas, mon chéri ; nous reviendrons bientôt, va !

C’est qu’ils m’avaient donné de l’argent pour le tabac, et c’est voler si je l’emporte.

— Ne crains rien, répondit-elle, ils nous ont pris plus que ça !

Elle vint à bout de le consoler et de le faire marcher à côté d’elle toute la nuit, malgré le sommeil et la fatigue. Au point du jour ils arrivèrent sans mauvaise rencontre à la Roche-aux-Serpents, où se trouvaient, au milieu des autres francs-tireurs du pays, François Chazelles et Louis Brésy.

Marie tomba sanglotante entre les bras de son frère. Sur le récit qu’elle fit, une quinzaine de ces jeunes gens, an nombre desquels se trouvaient, cela va sans dire, Louis Brésy et François, décidèrent de courir au Bouruy, de tomber sur les Prussions et de ramener les Chazelles.

Mais n’était-il pas trop tard !

ANDRÉ LÉO

(à suivre)