Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/23

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Cependant, au milieu de la joie profonde qui, sans qu’elle pût s’en défendre, persistait en elle, une réflexion lui vint qui l’attrista : ce n’était pas elle qui aurait dû recevoir le premier baiser de cet enfant, mais plutôt sa vraie mère, la pauvre femme couchée là-bas, seule, sur son lit de douleur ; ce baiser lui avait été volé ! Sous ces impressions diverses de joie, de crainte, de remords, sœur Sainte-Rose se mit à pleurer.

Ce jour-là devait être rempli pour elle de plus d’émotions qu’elle n’en avait encore éprouvé pendant toute sa vie. Comme elle rentrait, elle rencontra la mère supérieure, qui se prit à regarder les enfants d’un air fâché, disant :

— Cela n’en finit pas, et ces enfants nous sont d’un grand embarras !… Ils nous prennent tout votre temps.

Sœur Sainte-Rose ne répondit pas. Les paroles de la supérieure, comme une lame aiguë et froide, lui avaient pénétré le cœur, et lui suggérèrent coup sur coup plusieurs pensées qu’elle n’avait pas eues, ou plutôt n’avait pas voulu avoir. La pauvre mère, une fois morte, que ferait-on des enfants ? Hélas ! la chose n’était que trop claire, ils partiraient. Où iraient-ils ? Où ?… Elle avait beau ne le pas vouloir, nul autre asile ne se présentait que l’hospice des enfants-trouvés, antre d’où l’enfance ne sort que morte ou flétrie. Ah !… c’en était déjà trop de s’avouer que ces enfants devaient lui être enlevés, qu’elle ne les garderait point… Et comment !… cela n’était point possible… Pourtant, les perdre, les abandonner, lui semblait plus que déchirant… C’était cruel et coupable !…

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