Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/34

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phants d’avoir eu raison contre notre amour, et ceux-là même qui me plaignaient ne le faisaient qu’en me donnant tort.

» Au milieu de tout cela, je me desséchais, comme sous le soleil l’herbe coupée ; et, ne pouvant enfin supporter plus longtemps un tel état, je me dis qu’il fallait mourir, ou aller rejoindre Julien. — Feignant d’avoir reçu une lettre par laquelle il m’appelait près de lui, je vendis notre mobilier ; puis je partis pour Lamballe, d’où je pris le chemin de fer jusqu’à Rennes.

» Ce fut mon malheur de m’arrêter là. J’avais fait deux parts de mon argent : l’une qui devait nous faire vivre quelques jours à Paris, l’autre pour payer la fin de notre voyage, et ce fut celle-ci qui me fut volée, ou que je perdis.

» Toucher à l’autre, c’était, dès nos premiers pas dans Paris, nous donner à la misère… Et si je ne trouvais pas Julien tout de suite, ou bien, s’il était malade, — cette raison-là était la seule qui pût expliquer son silence, et j’y revenais toujours, n’en voulant, n’en pouvant accepter d’autre. — Voilà pourquoi j’entrepris de faire à pied un si long chemin, bien que déjà malade et épuisée. D’ailleurs, quand on me dit que le train serait à Paris, le soir même, je ne pus croire que c’était si loin.

» … J’eus faim, j’eus froid ; je fus trempée tour à tour de sueur et d’humidité… Je vois bien que je vais mourir…

» Écoutez-moi, sœur Sainte-Rose, il ne faut pas croire que Julien soit un misérable. — Il le serait s’il abandonnait ses enfants. — Eh bien, ce n’est pas possible. Je