Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/44

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prononcé pour la première fois, il le répéta de même, comme un appel : — Mamma ! mamma !

Ils disparurent. Joséphine avait sa petite cape, et l’on avait entouré Jean d’un vieux châle. Où allaient-ils ? où les entrainait-on ainsi ?

Oh ! si vraiment, contre les dernières volontés de leur mère, on avait la cruauté d’envoyer les enfants dans ce froid tombeau… Mais alors il fallait donc… il fallait agir… c’est-à-dire… se révolter contre l’autorité de la supérieure… invoquer la loi !…

Ce mot glaça le cœur de sœur Rose ; et elle restait là, tremblante, appuyée contre la fenêtre, éperdue de cœur et d’esprit. Les choses en étaient arrivées là !… Était-ce bien sûr ?.…

En face d’une lutte si formidable, en face des réalités, cette pauvre fille, dont toute l’existence n’avait été jusque-là qu’un rêve, eut peur.

La veille, dans la fièvre de sa douleur et de son indignation, elle avait conçu les pensées les plus hardies, et se fut crue capable de les exécuter sans hésitation. Mais à cette heure, brisée par l’insomnie et glacée, voyant l’événement si près d’elle, une terreur invincible la paralysait. Elle, rompre son vœu d’obéissance, causer un scandale pareil, faire une de ces choses dont le monde parle, se donner en spectacle à toute la ville, en exécration à toute la communauté !

Elle voila de ses deux mains son front et ses yeux. Ah !… mais ces enfants, ces enfants qu’on porte à la honte et à la misère,