Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/102

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marade, ou faire une partie de boule avec les amis, mais ça n’est pas souvent ; et pour quant à causer à table une heure de temps, vis-à-vis d’une bouteille, ma foi ! je ne saurais. Les jambes m’y brûlent tout de suite.

— Mais vous allez faire aussi quelques promenades ?

— Oh ! oui. N’y a rien de gentil, par exemple, comme d’aller au bois, cinq, six, filles et garçons, pour cueillir des noisettes. On jase, on rit, on s’amuse, on se jette les noisettes à la tête. Car pour en manger, c’est pas la question. Vous souvenez-vous, mam’zelle Lucie, quand nous allions ensemble aux champignons, autrefois, y a bien neuf ans de ça, au moins, avec Gène et Chérie ? Après qu’on en avait ramassé, on s’asseyait pour les trier, tous quatre sous un chêne. Une fois la Chérie disait : C’est moi qui en ai le plus ! Non, que je disais, c’est mam’zelle Lucie ; et, toutes les fois qu’elle tournait la tête, j’en jetais un de son panier dans le vôtre. Nous riions, Gène et moi. Alors vous avez mis vot’ doigt sur vot’ bouche, comme ça, et d’un petit air sage vous me faisiez signe de pas continuer. Et puis vous ramassiez des berjottes, que vous appeliez des bruyères, et depuis je n’ai jamais vu ces petites fleurs qu’elles ne m’aient dit quelque chose de vous.

— C’était, dit en soupirant Lucie, un beau temps que celui-là !… Qu’avez-vous lu jusqu’ici, Michel ?

— Pas beaucoup de choses, mam’zelle : des almanachs, des Évangiles, une fameuse histoire, celle des Quatre fils Aymon ; des petits livres que j’ai trouvés par ci par-là, tous plus bêtes les uns que les autres, et puis un… que tant seulement j’ose pas vous dire.

— Ah !… fit Lucie, qui d’abord n’en demanda pas davantage ; mais, la curiosité l’emportant, elle ajouta : c’est donc un livre bien… désagréable ?

— Oh ! non, mam’zelle Lucie ; mais ça me fait une honte d’en parler, quoiqu’il soit bien beau ! Je voudrais pour-