Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/134

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Lucie courut chercher des pommes de terre et se mit à les couper, assise sur l’herbe, non loin de Michel, pendant qu’il achevait de préparer le terrain. Il eut terminé avant elle, et se reposa sur sa bêche en attendant. Elle se hâtait et ne levait guère les yeux ; mais quand cela lui arrivait, elle surprenait toujours les grands yeux noirs de Michel attachés sur elle, et cela finit même par lui causer un peu de gêne. Pourtant Michel détournait son regard aussitôt qu’il rencontrait celui de Lucie, mais il y avait quelque chose dans ces yeux-là qui n’était pas ordinaire : elle ne savait quoi.

— Plantons vite maintenant ! dit-elle en se levant sitôt qu’elle eut fini ; et tandis que Michel traçait le sillon, elle y jetait les semences une à une.

Ils se baissèrent une fois en même temps pour mettre à sa place une pomme de terre tombée hors du sillon, si bien que leurs fronts se heurtèrent. Lucie, se mit à rire. Elle avait un rire de rossignol composé de notes rondes et claires qui couraient l’une après l’autre comme les ondes d’une cascade ou les perles d’un collier. Mais Michel ne rit point, et Lucie, en le regardant, le trouva d’un sérieux étrange. Un instant après, le visage du jeune laboureur s’empourpra d’un rouge éclatant quand sa main par mégarde eut rencontré la main de Lucie. Elle pensa que Michel sans doute était fatigué par le soleil qui dardait en face d’eux ses chauds rayons.

Après que les deux carrés furent ensemencés, comme Lucie allait quitter le jardin, Michel demanda timidement :

— Avez-vous de l’hosanne, mam’zelle Lucie ?

— Non, dit-elle, mais j’en prendrai à l’église.

— Oh bien ! je vous en ai apporté, s’écria-t-il, et, courant vers le berceau de lilas près duquel se trouvait le passage entre le pré de Françoise et le jardin de M. Bertin, il en rapporta un faisceau de buis mêlé de fleurs.