— Pardon, dit-il, mais je vois bien que vous ne pouvez pas vous ôter cette peine d’accepter quelque chose de moi. Eh bien ! mam’zelle Lucie, prenons ça autrement. Se rend-on pas service entre voisins ? Et quand je quitterai le pays, si je vous recommandais ma mère en cas de maladie, ça ne vaudrait-il pas davantage qu’un coup de pioche à vot’ jardin ?
L’accent triste de sa voix causa un remords à la jeune fille. Elle répondit affectueusement :
— Je soignerais toujours votre mère avec amitié, quand même vous ne m’en auriez pas priée. Mais est-ce que vous voulez quitter le pays, Michel ?
— Histoire de dire que ça se pourrait, mam’zelle Lucie. Je ne suis chez Mourillon que jusqu’à la Saint-Jean ; après il me faudra chercher une autre place, et il y en a pas tant de bonnes à Chavagny.
— Pourquoi ne vous louez-vous pas chez mon oncle Bourdon ?
— Non, mam’zelle Lucie, j’aime mieux aller chez des paysans.
— Ah ! pourquoi donc ?
— Parce que là tout le monde travaille et mange ensemble ; on n’y est point commandé que par l’ouvrage. On me dit : Michel ; mais je réponds : Mourillon.
— Oh ! vous êtes fier, dit Mlle Bertin.
— Ai-je tort ? demanda Michel.
— Non, répondit-elle. À votre place, il me semble que je penserais de même.
— À demain donc ! n’est-ce pas, mam’zelle Lucie ?
— À demain ! répéta-t-elle faiblement.
Comme elle rentrait à la maison, elle entendit un bruit de roues et courut à la barrière. C’était en effet Gustave, que M. Gavel amenait dans sa voiture avec Émile Bourdon. Un tilbury crotté qui venait par derrière contenait