Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/149

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bonhomie fausse qui naît de la satisfaction des appétits repus, celle du milan rassasié qui volontiers alors écouterait le rossignol. Son langage, plein d’expressions basses et de mots recherchés, fatiguait plus qu’il ne prêtait à rire, bien qu’en prenant un mot pour un autre, il fit souvent de plaisants quiproquos. Ce n’était guère que deux ou trois fois l’an qu’il venait chez Mme Bourdon, mais quand il y était il ne savait plus s’en aller, et il mettait ces dames au supplice.

Au bout d’un quart d’heure de conversation avec M. Gorin, Mme Bourdon, cherchant une issue, dit à son fils :

— Émile, tu devrais emmener ces messieurs à la promenade.

— Mais oui, de grand cœur, répondit Émile de l’air le plus contrarié.

— Et pourquoi ne nous feriez-vous pas l’honneur de nous accompagner, mesdames ? dit Gavel. Voyez, le temps est magnifique, nous pourrions faire une partie de pêche, ou quelque excursion en voiture, à votre choix.

— Si l’écrevisse vous va, s’écria Frédéric Gorin, je sais de crânes endroits.

— Oui, oui, allons pêcher des écrevisses, dit Jules.

— Allons pêcher des écrevisses, répéta Mme Bourdon avec résignation.

Lucie refusa d’être de la partie, et voulut retourner chez elle afin de voir comment se trouvait Clarisse. Mais sa tante la retint et envoya Jules chercher des nouvelles, pendant qu’on attelait les voitures et qu’on préparait les ustensiles de pêche. Jules, de retour, annonça que Clarisse était beaucoup mieux, et que Mme Bertin engageait Lucie à faire la promenade. On partit donc ; au bout d’un quart d’heure, à peine, on descendait de voiture au moulin, et l’on se répandait dans les prés au bord de la rivière.

L’endroit choisi pour la pêche était une prairie bordée