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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/156

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ainsi. Gorin avait peur et se démenait en criant. Quand la proue fut à deux pouces du bord, Michel enleva Gorin dans ses bras et le jeta dans l’eau sur les racines d’un saule, où le malheureux se cramponna piteusement. Le bateau, deux minutes après, disparaissait sous les arbres.

Dès le commencement de cette scène, Aurélie, de peur de compromettre sa dignité, ne voulant point en rester spectatrice, était retournée vers sa mère. L’anxiété retint Lucie jusqu’à la fin ; quant à M. Gavel, une anxiété plus ardente le fixait à cette place, à deux pas de la rixe dont il ne s’inquiétait guère ; car à peine Mlle Bourdon l’avait-elle quitté, que Lisa avait saisi son bras et lui disait d’une voix impérieuse, avec des regards égarés : Venez, venez tout de suite ! faut que je vous parle ; il le faut, je vous dis !

En vain essaya-t-il de l’éloigner en lui parlant à voix basse. Inquiet des regards qui l’entouraient, pâle de fureur, il fut obligé de la suivre, de peur d’un éclat plus grand. Au moment où Aurélie s’asseyait près de Mme Bourdon, celle-ci, levant les yeux du livre qu’elle tenait, aperçut Gavel et Lisa qui, suivis de Jean, disparaissaient derrière les saules, dans la prairie voisine.

— Eh bien ! dit-elle, où va donc ainsi M. Gavel ?

Également étonnée, Aurélie répondit : Mais je l’ignore.

Quand Lucie vint à son tour, Mme Bourdon répéta la même question. Je ne sais, balbutia la jeune fille, retenue par la présence d’Aurélie. Si elle eût été seule avec sa tante, certes en ce moment elle eût parlé.

— Voilà un charmant épisode que cette rencontre de paysans, reprit Mme Bourdon. Cependant, elle n’en dit pas davantage et feignit de reprendre sa lecture ; mais ses yeux se portaient souvent avec inquiétude du côté où Gavel avait disparu.

Quand elle eut franchi le rideau de saules qui séparait