Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/196

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sistance de sa mère, elle ne consentit point à prendre un châle.

— Ce n’est pas, disait Mme Bertin, comme si tu étais au bal de Poitiers.

— Maman, je n’ai pas froid.

Danser avec un châle ! quoi de plus disgracieux ? Puis elle avait remarqué devant son miroir combien lui donnait de grâce et de beauté la coupe échancrée de sa robe qui montrait à demi ses jolies épaules.

Quoique attentif pour sa danseuse, Michel était silencieux et concentré. Cependant le peu de mots qu’il disait empruntaient du charme à l’accent ému de sa voix. Lucie voulut le faire causer davantage.

— Aimez-vous la danse ? lui demanda-t-elle.

— Oui, répondit-il ; je voudrais que cette nuit ne finît jamais !

— Ah ! dit-elle avec fourberie, en regardant la Martine, peut-être est-ce à cause de quelque personne qui doit partir demain ?

— Vous savez ben que non, mam’zelle Lucie, répondit-il simplement.

— Alors, quel grand charme y trouvez-vous ? reprit-elle avec une feinte candeur.

Michel rougit et ne répondit pas.

Un peu embarrassée, la naïve coquette se tourna vers la fenêtre et regarda sur la place. Elle aperçut en face d’elle le cadre lumineux que formait la porte de l’auberge, toute grande ouverte. Au milieu de ce cadre des ombres humaines semblaient se colleter. Quelques jurements retentirent avec des bruits de pieds entrechoqués, et il parut à Lucie qu’on jetait quelqu’un dehors, après quoi la porte se referma. Elle entendait aussi les voix de son père et de M. Bourdon, qui causaient ensemble sous la fenêtre, assis sur un banc. Le ciel ruisselait d’étoiles ; c’était une