Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/205

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IX


La ferme semblait abandonnée ; on ne voyait personne aller et venir dans la cour ; les instruments de travail étaient rangés à leur place comme le dimanche, et depuis longtemps, pressés à la porte de leur étable, les moutons bêlaient pour aller aux champs.

Au milieu de la cour, la chienne Tant-Belle, accroupie, regardait tristement du côté du chemin, comme si elle eût espéré que Lisa allait venir. Ses deux petits, Montagnard et Grisou, qui jouaient entre ses pattes, aboyaient parfois à ses oreilles pour l’exciter à jouer aussi ; mais elle leur imposait silence en grondant sourdement, et de temps à autre elle jetait dans l’air un aboiement plaintif, long et sinistre.

Qui que ce fût qui eût pénétré dans la maison eût reconnu les signes d’une désolation profonde : les chambres étaient en désordre, les enfants négligés criaient vainement ; la Mourillon, hâve et défaite, l’œil plus noir et plus caverneux, allait et venait, de temps en temps essuyant une larme chaude, et remuant vingt objets sans savoir ce qu’elle faisait. Penché sur la table, la tête dans ses mains, le père était immobile. Marie, pâle et les yeux